La Pellegrina

La fête la plus célèbre du 16ème siècle

Alicia amo, valerio contaldo – soloists
Ensemble VoZ Latina
Ensemble La Chimera
Eduardo Egüez – direction

56 musiciens sur scène pour recréer la mythique musique des noces de Lorenzo de' Medici et Cristina di Lorena.

Les noces du grand-duc de Toscane Ferdinand de Médicis avec Christine de Lorraine sont restées célèbres pour l’éclat des fêtes qu’elles suscitèrent. De l’entrée de la princesse française à Florence, le 30 avril 1589 jusqu’à la fête de la Saint-Jean, le 24 juin, la ville vécut deux mois ininterrompus de spectacles équestres, comédies, joutes, et autres mascarades dont le retentissement fut grand dans l’Europe entière. De tous les spectacles représentés, ce sont les intermèdes musicaux donnés entre les actes de la comédie de Girolamo Bargagli La Pellegrina qui sont restés comme l’événement artistique le plus marquant de ces fêtes.

La tradition qui consistait à divertir les spectateurs assistant aux pièces de théâtre en leur proposant des intermèdes musicaux était bien affirmée à Florence : cinquante ans plus tôt, un spectacle comparable avait été donné pour célébrer le mariage du père de Ferdinand, le duc Cosme 1er de Médicis. Le point commun entre ces deux séries d’intermèdes tient au fait que les compositions musicales ont été conservées, alors que généralement, cette musique de circonstance destinée à une représentation unique n’était pas préservée.

Dans le cas des intermèdes de 1589, Ferdinand avait souhaité qu’ils soient imprimés dans un souci de propagande, afin que les autres cours princières européennes puissent se rendre compte avec précision de la splendeur de l’événement et de la qualité des musiciens qui avaient été sollicités.

Nous disposons donc de l’intégralité des musiques imaginées pour les six intermèdes (un avant chaque acte de la comédie, plus un en conclusion), qui avaient nécessité pas moins d’un an de préparation. Au total, les moyens mobilisés furent gigantesques : 286 costumes réalisés par un atelier de 50 personnes, 76 machinistes pour actionner les vagues de la mer, donner vie au serpent géant, ou faire descendre les chanteurs des cieux, et jusqu’à 90 personnes sur scène pour le dernier intermède.
Comme le veut la tradition, les thèmes mythologiques des intermèdes n’ont aucun rapport avec le sujet de la comédie qui justifie leur existence. Ce sont des spectacles qui mêlent costumes, décors, musique vocale et instrumentale, danse et pantomime, et qui fonctionnent comme des tableaux vivants : en effet, il n’y a aucune dimension dramatique dans ces scènes, pas de dialogues dans les textes, bref aucune action ne se passe sur scène. En ce sens, ils ne préfigurent pas directement les premiers opéras, même si tous les ingrédients sont déjà en place. Et parmi les compositeurs sollicités pour les intermèdes de La Pellegrina, à côté des grands polyphonistes Cristofano Malvezzi et Luca Marenzio figurent Giulio Caccini, Emilio de’ Cavalieri et Jacopo Peri, tous directement impliqués dix ans plus tard dans l’invention de l’opéra.

Le résultat musical offre une extraordinaire variété stylistique, depuis les premiers exemples de monodies baroques accompagnées au théorbe, un nouvel instrument conçu spécialement pour soutenir les cantatrices virtuoses Vittoria Archilei et Francesca Caccini, jusqu’au gigantesque O fortunato giorno à 30 voix réparties en sept chœurs qui forme l’apothéose du dernier intermède. Celui-ci s’achève par le cèlèbre ballet conçu par Cavalieri, dont la musique a été reprise pendant un demi-siècle par de nombreux compositeurs italiens sous l’appellation Ballo del gran duca, perpétuant ainsi la mémoire des fêtes les plus splendides de la Renaissance florentine.

Philippe Canguilhem

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